[Entretien] Revitaliser les centres-villes en cohérence avec le Pacte vert européen : Entretien avec Dominique Consille directrice de Action cœur de ville

Comprendre les concepts clés

Artificialisation des sols : Ce phénomène désigne la transformation des espaces naturels, agricoles ou forestiers en zones urbanisées, souvent au détriment de la biodiversité et des ressources naturelles. L’Union européenne vise à réduire cette artificialisation dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et des objectifs de zéro artificialisation nette (ZAN) à long terme. En France, la loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 a défini un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) pour 2050. La loi du 20 juillet 2023 tend à faciliter sa mise en oeuvre, notamment par les élus locaux.

Mobilité décarbonée : Il s’agit de développer des modes de transport réduisant les émissions de gaz à effet de serre, comme les transports publics, le vélo et la marche, afin de limiter la dépendance à la voiture individuelle.

Centralité urbaine : Concept clé en aménagement du territoire, il consiste à renforcer les centres-villes en y concentrant commerces, logements et services, afin de limiter l’étalement urbain et favoriser un mode de vie plus durable.

Le pacte vert européen ou « Green Deal » : Ensemble de mesures mises en place par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, intégrant des objectifs de réduction des déchets, de promotion du recyclage et de relance de l’industrie verte en Europe.

Aménagement des villes moyennes face aux défis environnementaux

L’aménagement du territoire en France a, pendant des décennies, favorisé l’expansion urbaine sous forme de zones pavillonnaires, commerciales et industrielles en périphérie des villes. Cette tendance a entraîné la désertification des centres-villes, une consommation excessive de terres agricoles et une dépendance accrue à la voiture individuelle.

Lancé en 2018, le programme Action Cœur de Ville (ACV) a été conçu pour inverser cette dynamique. Dominique Consille, directrice du programme au sein de l'ANCT, explique que l’objectif principal est de redonner de l’attractivité aux centres des villes moyennes en misant sur l’habitat, l’économie locale, la mobilité et le patrimoine.

"Même si cela n’était pas explicitement présenté ainsi à l’époque, Action Cœur de Ville s’inscrit dans les mêmes priorités que les politiques européennes : préserver les terres agricoles, limiter l’artificialisation des sols et favoriser les mobilités douces en agissant pour conforter les centralités."

En renforçant les centralités urbaines, le programme contribue directement aux engagements du Pacte vert pour l’Europe, qui cherche à limiter l’étalement urbain et promouvoir des alternatives de transport durables.

L’enjeu du financement européen : une approche indirecte mais complémentaire

Bien que les fonds européens ne soient pas spécifiquement intégrés dans le budget initial d’ACV, de nombreux projets bénéficient de ces financements.

"Les communes définissent elles-mêmes leur projet et mobilisent ensuite les financements nécessaires auprès de différents partenaires. Cela permet une flexibilité et une adaptation locale, mais signifie aussi que les fonds européens ne sont pas toujours visibles dans le financement global du programme."

À ce jour, 10 milliards d’euros ont été mobilisés pour ACV via l’État, la Banque des Territoires, l’ANAH et Action Logement. Les fonds européens sont souvent utilisés à l’initiative des villes, lorsque celles-ci sollicitent des subventions pour des projets spécifiques alignés sur les objectifs du programme. Cependant, leur accès nécessite un cadre clair dès la conception du projet, ce qui rend difficile une prévision en amont à l’échelle nationale.

-> en savoir plus sur des projets Action cœur de ville qui ont reçu un financement européen. 

Collaboration européenne et partage de bonnes pratiques

L’expérience française en matière de revitalisation des centres-villes est loin d’être isolée. ACV s’inscrit dans une dynamique plus large d’échanges européens sur les politiques d’aménagement urbain.

Un exemple concret de coopération transfrontalière concerne Longwy, en Moselle, qui collabore avec le Luxembourg pour réaménager les alentours de la gare et améliorer les trajets transfrontaliers des travailleurs.

Par ailleurs, des initiatives comme l’Observatoire européen des centres-villes, porté par l’association Centre-Ville en Mouvement, permettent aux acteurs locaux de comparer leurs stratégies et de s’inspirer des meilleures pratiques mises en œuvre dans d’autres pays européens.

"J’ai participé à un colloque européen à Strasbourg, où des représentants de différents pays ont échangé sur leurs approches en matière de revitalisation des villes moyennes. Ces discussions sont essentielles pour aligner nos stratégies et intégrer des idées innovantes adaptées à chaque territoire."

Le rôle des données dans la planification urbaine durable

L’utilisation de données fiables est un élément clé pour orienter les décisions des collectivités et s’assurer que les actions mises en œuvre sont efficaces.

L’Observatoire des territoires produit des analyses précieuses pour démontrer l’importance d’agir sur les centralités et permet d’adapter les politiques aux réalités locales. Ces données sont mises à disposition des collectivités pour établir un diagnostic précis avant d’initier un projet.

"Nous collaborons également avec le Cerema, qui accompagne les villes Action Cœur de Ville sur quatre thématiques prioritaires : transition écologique, nature en ville, sobriété foncière et mobilités décarbonées. Ces axes sont directement en lien avec les priorités européennes."

Ces outils permettent d’évaluer les progrès réalisés et d’orienter les futurs investissements vers des solutions durables.

Alignement avec les objectifs européens 

Les programmes Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain s’intègrent pleinement dans les stratégies environnementales et territoriales de l’Union européenne. En limitant l’artificialisation des sols et en promouvant des alternatives de mobilité durable, ces initiatives contribuent aux ambitions du Pacte vert pour l’Europe et aux efforts européens pour des territoires plus résilients.

Les coopérations transfrontalières et les échanges d’expertise à l’échelle européenne jouent un rôle essentiel pour renforcer ces actions et favoriser l’innovation dans les politiques de revitalisation urbaine.

"Les villes moyennes ont un rôle central à jouer dans la transition écologique et l’adaptation des territoires. Il est essentiel que les acteurs locaux s’approprient ces enjeux et utilisent les outils à leur disposition pour repenser la ville de demain."

L’avenir de la revitalisation urbaine passe donc par une combinaison entre stratégies locales adaptées, financements ciblés et collaborations européennes renforcées.

• En savoir plus sur Action Cœur de Ville et Petites Villes de Demain 
• Découvrir les initiatives européennes en matière de revitalisation urbaine 
• Consulter les données de l’Observatoire des Territoires